Madame Huguette SCHAAL

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Domiciliée à Bruxelles (1000)
Née à Esch-Sur-Alzette/Alzette  (4010) le samedi 21 décembre 1929
Décédée à Bruxelles (1000) le lundi 28 février 2011 à l'âge de 81 ans

Espace « condoléances » 

Cet espace condoléances a été créé le mercredi 2 mars 2011.
La dernière modification date du mercredi 2 mars 2011.

Les témoignages

2 témoignages  
Témoignage 

Le français n’étant pas ma langue maternelle, je laisse le soin de rédiger cet hommage à un ami, sur base de mon témoignage.
J’ai connu Madame Chale à la fin de sa vie. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, à l’occasion de petits travaux à réaliser chez elle. De mémoire, je n’avais jamais rien vu de pareil. Je sais que Madame Chale était fière de son intérieur, qui était très… surprenant.
Madame Chale étant trop souffrante, je ne pus, malheureusement, lui rendre visite à l’hôpital pour la saluer, et lui donner de mes nouvelles. Je suis certain qu’elle aurait été heureuse d’en avoir, étant donné le cœur qu’elle a mis à s’occuper de ma situation.
Je profite de ce forum mis à la disposition par la famille pour lui témoigner ma reconnaissance. Car il a suffit du passage de Madame Chale dans ma vie pour, je crois, en changer le cours ; et accomplir mon intégration en Belgique, terre d’exil ; mais surtout, d’accueil.
        Mon premier emploi en Belgique, c’est grâce à notre rencontre que je le dois ! Je suivais une formation de menuiserie ; activité commencée il y a plusieurs années dans mon pays.
-Tu viens d’où ? me demanda-t-elle, après que je lui eus annoncé mes qualités.
-D’Erythrée ; lui ais-je répondu.
Madame Chale a fait le reste. Elle a fait des pieds et des mains pour m’obtenir ce poste chez le « meilleur ébéniste de Bruxelles », qui était une connaissance à elle. Je crois qu’elle a du finir par l’avoir à l’usure (qui est un principe bien connu en menuiserie) ! Il se trouve qu’un jour… une place se libéra. Et qu’elle me fût attribuée.
Lorsque je lui annonçai la nouvelle, en personne, rue Jordaens ; je me souviens comment elle me dit, très satisfaite « c’est bien » ; avant de passer à un autre sujet !
Cette semaine, mon employeur m’annonça qu’Huguette était décédée. Qui était Huguette ; lui demandai-je ?
-Madame Chale ! corrigea-t-il.
C’est en effet sous ce nom que je la connaissais.
Par ce mot, je souhaite témoigner mes condoléances à sa famille ; en mon nom et au nom de mon épouse et de Daniel, Milly et Arsema, nos enfants.

Azeze Menges- 06-03-11

Témoignage 

Je parlai ce soir d’Huguette, et de sa disparition, à mes filles, en leur servant le repas. « Te souviens-tu d’Huguette ? » demandai-je à mon aînée, 4 ans. « Huguette ? », me dit-elle. « Elle me ressemble ? » Non ; lui répondis-je ; devinant ce qu’elle voulait dire. Ma fille étant mulâtre, elle se demandait si Huguette était « noire », ou « blanche » ; ou les deux en même temps; comme une homonyme, qui, elle, l’était également ; ce qui créait la confusion. « Elle est comme moi » précisai-je.
Je ne croyais pas si bien dire. Huguette et moi, hormis notre « couleur » - si on peut appeler ça une couleur - nous nous étions trouvé plus d’un point de convergence.
« Ne te souviens-tu pas ? De son jardin ? » Entre deux bouchées, Anna finit par réagir. « Huguette. Qui a des statues ? Beaucoup de statues ?».
Oui. C’était bien cela. Des statues. Des sculptures, quoi. Comme je le savais, les œuvres d’art d’Huguette Chale, éparses dans l’appartement de la rue Jordaens, jusque dans son jardin suspendu, avaient marquées Anna ; imprimant définitivement dans sa psyche enfantine le souvenir d’une sorte de Jardin aux Merveilles, patronné par une vieille dame pleine d’attention et quelque peu originale échappée d’un roman de Lewis Carroll.
Tout simplement, il y en avait partout ; des « statues » ; manifestation éclatante d’une personnalité unique, brillant par une sensibilité esthétique à fleur de peau. Leur (illustre) propriétaire n’avait-elle pas, en son temps, fait ; ou défait des tendances ? N’avait-elle pas été le moteur d’un renouveau des arts décoratifs à Bruxelles ? N’avait-elle pas contribué à créer… Chale? Huguette, c’était un Monde. Une bulle de Champagne. Plops ; plops ; plops… « Eh bien Huguette, elle est partie. » Le Champagne a cessé de faire des bulles. Huguette n’est plus.
L’information n’eut pas l’air d’émouvoir ma fille ; concentrée sur son repas. « Elle est partie ? » Oui. « Elle est partie où ? ». « Dans les nuages… » « Nous aussi, on va partir dans les nuages ? » « Oui. Toi ; moi ; Alexia… Maman aussi ; tout le monde …» « Quand on sera vieux ? » « Euh… Oui. Quand on sera vieux… Ca vaut mieux… »
Ses « Strebelle », omniprésents, sont probablement tout ce que ma fille retiendra d’Huguette Chale, qu’elle n’a pas connu ; ou si peu ; le temps de passer en « coup de vent » rue Jordaens ; pour déposer ; ou emprunter, de la documentation ; la saluer. J’avais trouvé en Chale le témoignage précieux d’une époque ; de quoi alimenter abondamment mes recherches sur le sujet. Par bonheur, « Madame Chale » n’était guère avare de renseignements, d’informations, ou de souvenirs. Une amitié, fulgurante, mais sincère, est née. Merveilleusement stimulante, pour l’un, comme pour l’autre. Nous étions semblables. Au fil de nos conversations, un rapport de confiance s’est installé. Précieux. Pas toujours bien compris de nos entourages…
Quant à ma cadette, à moins que son subconscient n’eût enregistré quelque chose; elle est bien trop petite. Tant pis pour elle…
Je garde en moi le souvenir impérissable d’un ouragan; je le conserve, tel un fragment saint dans un reliquaire en argent. Une expérience. Une tornade. Dans ses meilleurs moments, un volcan. Théâtrale. Baroque. Flamboyante. Tour à tour tragique, comique ; shakespearienne ; ou héroïne de Feydeau. Contrastes. Une certaine candeur, parfois ; prétexte à des situations croquantes. Un esprit bien aiguisé. Bonté d’âme. Générosité ; bien entendu. Altruiste. Idéaliste. Mais aussi exclusive. Quelques lignes ne suffiront pas à contenir le portrait d’Huguette Chale; un roman ; peut-être! Un « roman fleuve », aurait-elle volontiers précisé.
Adieu, chère Huguette. Nous viendrons te voir ; quand tout cela sera fini…

d deroy- 03-03-11