Cher Monsieur KURZ.
Je ne vous verrai donc plus, descendre et remonter la rue, guidé par
votre petite accompagnatrice blonde. Et pourtant, l'an dernier, vous
me sembliez progresser vers plus d'autonomie, et, de fait, vous marchiez
simplement tenu du bout de la main.
Vous m'entendiez tondre la pelouse et vous vous arrêtiez, et j'avais
remarqué votre intérêt pour ma présence dans le quartier. Sans doute,
au travers de ma modeste personne, vous y rencontriez la vie, celle de
l'extérieur, celle qui s'attache aux futilités des travaux de jardinage
qu'on ne regarde même plus, et qui redevenaient pour vous un véritable
petit spectacle. Vous aviez raison: on ne prend jamais assez le temps
de vivre, chaque minute étant si précieuse, surtout parmi ses proches.
Vous en souvenez-vous? Je vous avais dit savoir que vous travailliez comme
cameraman à RTL. Je ne sais par quel mouvement du visage vous m'aviez
repris, par la bouche de votre assistante: "il dit que non". Et j'avais
immédiatement corrigé: il s'agissait de la RTBF!
Je crois que durant ces courts instants d'échanges, vous retrouviez
un peu de bonheur. J'en tire une satisfaction certaine à vous dire cela.
Vous goûtez à présent un repos bien mérité, vous auriez cependant
pu encore attendre un peu, mais la fatalité ne l'a pas permis.
Je pense en ce moment à votre épouse et à vos filles, à votre maman.
Puissiez-vous, cher Monsieur KURZ, de là-haut prendre quelques images
- vous en êtes un spécialiste - et les embellir, afin que notre monde
paraisse meilleur.
Quant à moi, lorsque je démarrerai ma tondeuse sur le coin de la rue
des Chevreuils, vous savez dorénavant à qui je penserai.

Willy Clarinval

Willy Clarinval- 30-07-16